« Un chien sale, comme un gisant. Ou une Olympia. Des hippocampes inquiétants, comme des transis. Ou des Vénus. Partout, des formes indécidables, pures et impures, angoissantes et voluptueuses. Beaulieu-en-Rouergue comme un paradis, mais un paradis perdu, après les péchés et après l’histoire des hommes.
La nef, lumineuse et nue, et le cellier, sombre et humide, abritent une quarantaine d’œuvres récentes de Johan Creten qui, céramiques, résines et bronzes, transforment cette abbaye cistercienne en sanctuaire de la beauté hybride, tandis que le règne végétal rencontre le règne animal, tandis que l’air croise le feu, la terre la mer, la fleur la sirène. Cette exposition océanique hisse le monde en gigantesque marée, quand le cœur déborde, quand les bêtes s’enlisent ou s’époumonent, quand l’or s’emmêle avec la nacre, la souillure avec l’immaculé, le grandiose avec le détail, les grandes orgues avec les petites choses, la profusion avec la pauvreté.
Précurseur dans le renouveau de la céramique, plébiscité aux quatre coins du planisphère, l’artiste flamand Johan Creten dresse ici un bestiaire sublime, écrit une légende dorée, apocryphe et épaisse comme les rêves, fouille le mystère dans un espace sacré qu’il contribue à révéler, à dévoiler. L’art, comme une épiphanie. »
Texte de Colin Lemoine