En 1997, Johan Creten était l'un des premiers artistes invités par Roza Martinez pour la cinquième Biennale internationale d'art contemporain d'Istanbul. Il avait alors installé cinq sculptures dans les eaux de la citerne historique de Yerebatan. L'esthétique très particulière du lieu était en totale opposition avec les espaces de « White cube » principalement privilégiés dans les années 1990. La galerie Robert Miller publia ensuite pour la première fois le texte fondateur et emblématique "Odore di Femmina" de Rosa Martinez en 1998. 20 ans plus tard, Johan Creten revient dans la vibrante ville d’Istanbul. Pendant la période de la Biennale toujours, mais cette fois à l'occasion de l'ouverture de la galerie Pilevneli. Grâce à de nouvelles pièces, le dialogue entamé il y a de nombreuses années se poursuit pendant l'exposition et transmet une fois de plus le dynamisme et l'inspiration visionnaire de l'artiste. Le texte de Rosa Martinez a fait l'objet d'une deuxième publication dans le catalogue de l'exposition “Between Day and Dream” en 2017.
“Il y a 20 ans, Johan Creten faisait l’expérience audacieuse de présenter une série d’œuvres intitulées « Torso » au sein de l’ancienne citerne Basilique d’Istanbul. De proportions gigantesques, elle est aujourd’hui l’un des monuments les plus spectaculaires de la cité de Constantinople. Appelée Yerebetan, qui veut dire « la citerne enfouie sous la terre », cette architecture souterraine faisait résonner les sculptures en céramiques dans l’esprit des lieux, leur offrant comme un écrin à la fois souverain et absolu. Les troncs féminins, aux courbes sinueuses, recouverts d’innombrables pétales de roses, semblaient émerger des eaux entre les colonnes de marbre telles des Vénus venues d’un autre monde.
Inéluctablement, l’exposition de Johan Creten à la galerie Pilevneli porte en elle le souvenir de l’expérience singulière et marquante de Yerebatan. Durant ces vingt dernières années, Johan Creten a poursuivi un chemin singulier dans un esprit profondément libre et iconoclaste, à l’encontre des courants artistiques dominants. Son travail a permis de donner de nouveaux titres de noblesse à la céramique, longtemps largement associée aux arts décoratifs, mais également d’en renouveler le genre, d’en faire un travail cette fois résolument en prise avec les enjeux majeurs de l’art et du monde contemporain. La terre est ici non pas une génuflexion romantique sur le passé, mais s’affirme comme la matière du socle premier qui relie l’ensemble de l’humanité, avec ses imperfections, craquelures, ou encore ses vibrations, retournements, et diversités.”